Press release November 13, 2025
NOUVEAU RAPPORT : la persistance de la répression autoritaire et le recul des démocraties sont à l'origine du déclin de la liberté d’internet dans le monde pour la quinzième année consécutive
L'avenir de la liberté d’internet dépendra de la manière dont les gouvernements réglementeront et déploieront la prochaine vague d'intelligence artificielle et d’autres technologies évoluant rapidement.
WASHINGTON—Selon un nouveau rapport publié aujourd'hui par Freedom House, la répression des manifestations de masse, l'aggravation de la censure et les menaces qui pèsent sur la liberté d'expression sont à l'origine du déclin de la liberté d’internet dans le monde pour la quinzième année consécutive. Le rapport Freedom on the Net 2025: An Uncertain Future for the Global Internet révèle qu’internet est plus contrôlé et manipulé aujourd'hui qu'il ne l’a jamais été, et que la situation des droits en ligne s'est détériorée dans 27 pays, alors qu'elle ne s'est améliorée que dans 17 pays.
« Cela fait 15 années consécutives que la liberté d’internet dans le monde recule, les régimes autoritaires ayant renforcé la surveillance et la censure dans le but de faire taire les dissidents », a déclaré Annie Boyajian, présidente de Freedom House. « Cette tendance est persistante mais pas irréversible. Nous continuons à voir des points positifs dans le monde et nous sommes inspirés par les courageux défenseurs des droits humains qui risquent leur vie en défendant la liberté face à l'intensification de la répression. Il est clair, cependant, que nous avons atteint un moment critique et que cette détérioration ne cessera pas à moins que les gouvernements et le secteur privé ne fassent davantage d’efforts pour protéger la liberté d’internet. »
Outre l'aggravation de la répression dans les États autoritaires, le rapport a révélé des évolutions inquiétantes dans les environnements en ligne les plus ouverts du monde : la moitié des 18 pays ayant le statut « libre » en matière de liberté d’internet ont vu leur score diminuer au cours de la période d’étude, qui s'étendait de juin 2024 à mai 2025. Seuls deux des pays libres ont présenté des améliorations. Au sein de cette catégorie, la Géorgie, qui a perdu 4 points sur l'échelle à 100 points de Freedom on the Net, a connu le recul le plus important, suivie par l'Allemagne (-3) et les États-Unis (-3).
Les principales conclusions du rapport sont les suivantes :
La liberté d’internet dans le monde a reculé pour la quinzième année consécutive. Le Kenya (-6), le Venezuela (-4) et la Géorgie (-4) ont connu les baisses les plus importantes de l'année. Le Bangladesh (+5) a enregistré la plus forte progression de l'année. La Chine et le Myanmar, avec un score total de 9 points chacun, restent les pires environnements au monde en matière de liberté d’internet, tandis que l'Islande (94) conserve sa place d'environnement en ligne le plus libre, suivie par l'Estonie (91). La chute des scores de la Serbie et du Nicaragua a entraîné des changements dans leur statut : la Serbie a été rétrogradée de « libre » à « partiellement libre », tandis que le Nicaragua est passé de « partiellement libre » à « non libre ».
Le contrôle de l'information en ligne est devenu un outil essentiel pour les dirigeants autoritaires qui cherchent à asseoir leur régime. Les gouvernements des pays qui ont connu les reculs les plus importants en matière de liberté d’internet au cours des 15 dernières années (l'Égypte, le Pakistan, la Russie, la Turquie et le Venezuela) ont renforcé leur contrôle sur l'environnement en ligne en réponse à la contestation de leur pouvoir.
Les espaces en ligne sont plus manipulés que jamais, tandis que les autorités cherchent à promouvoir certains récits et à déformer le discours public. Parmi les 21 indicateurs couverts par Freedom on the Net, celui qui évalue si les sources d'information en ligne sont manipulées par le gouvernement ou d'autres acteurs puissants a connu le déclin mondial le plus constant au cours des 15 dernières années.
Sur les 18 pays libres étudiés, la moitié a connu des déclins. En Allemagne, plusieurs facteurs tels que des poursuites pénales pour des memes sur des politiciens, une augmentation de l’autocensure due en partie aux menaces d'acteurs de l'extrême droite et des attaques de pirates informatiques ayant des liens avec l'État russe, ont contribué à faire baisser de 3 points le score de la liberté d’internet dans le pays, qui comptabilise désormais 74 points. Aux États-Unis, les restrictions croissantes de l'espace civique ont créé un climat glacial pour l'activisme numérique, marqué par la détention de ressortissants étrangers pour expression non violente en ligne, ainsi que par des enquêtes politisées sur des médias et des entreprises technologiques pour la modération de contenus et leurs choix éditoriaux. Ces éléments ont contribué à faire baisser de 3 points le score américain, qui est maintenant de 73 points.
Le rapport indique également que nous entrons dans une période charnière pour la liberté d’internet, car des évolutions telles que l'augmentation des investissements publics dans l'intelligence artificielle (IA), l'essor de la connectivité internet par satellite et les contraintes croissantes sur l'anonymat en ligne pourraient radicalement modifier le paysage numérique. Ces processus de transformation, et la manière dont les gouvernements et les entreprises les abordent, auront de profondes répercussions sur les droits fondamentaux des citoyens ordinaires.
« Nous nous trouvons à un moment de grande innovation, et les mesures que nous prenons aujourd'hui auront un impact majeur sur l'avenir des droits humains en ligne », a déclaré Kian Vesteinsson, coauteur du rapport Freedom on the Net et analyste principal de Freedom House pour la recherche sur la technologie et la démocratie. « Alors que l'IA et d'autres technologies numériques progressent rapidement, les sociétés démocratiques devraient s'efforcer d'intégrer des garanties pour la liberté d'expression et la protection de la vie privée dès les premiers stades de leur développement. Ces protections essentielles pourraient contribuer à endiguer et à inverser les 15 années de déclin en matière de liberté d’internet dans le monde. »
Le rapport identifie les mesures que les décideurs politiques, les régulateurs et les entreprises technologiques peuvent adopter pour contrer les principaux facteurs de répression numérique des 15 dernières années. Les recommandations sont les suivantes :
Lutter contre les restrictions à la liberté d'expression : les gouvernements devraient maintenir l'accès aux services internet et aux plateformes numériques, car l'interdiction pure et simple ou arbitraire des réseaux sociaux et des plateformes de messagerie restreint indûment la liberté d'expression. Les cadres juridiques qui traitent du contenu en ligne doivent respecter les droits humains internationalement reconnus et adhérer aux normes de légalité, de nécessité et de proportionnalité.
Combattre la manipulation de l'environnement en ligne : les gouvernements devraient encourager l’adoption d’une approche globale de la société visant à garantir un espace d'information qualitatif, diversifié et fiable. Les entreprises devraient investir dans du personnel qui travaille sur les politiques publiques, l'accès à des informations fiables, la confiance et la sécurité, ainsi que les droits humains. Elles devraient aussi adopter de manière systématique des processus afin de s'assurer que l'engagement avec des fonctionnaires gouvernementaux concernant le contenu en ligne ne porte pas atteinte à la liberté d'expression et à d'autres droits fondamentaux. De manière générale, il est plus que nécessaire de soutenir les médias indépendants et les organisations locales de la société civile qui diffusent des informations crédibles.
Lutter contre la surveillance gouvernementale disproportionnée et les restrictions à la vie privée : les gouvernements doivent veiller à ce que les programmes de surveillance s’appuient sur les principes des droits humains, et collaborer à la création de régimes interopérables de protection de la vie privée qui protègent intégralement les données des citoyens. Les lois devraient inclure des garde-fous qui limitent la manière dont les entreprises privées peuvent utiliser les données personnelles dans le cadre du développement de technologies IA, ainsi qu’au sein de leurs systèmes d'IA. Les entreprises devraient intégrer le cryptage de bout en bout dans leurs produits, soutenir les logiciels d'anonymat et adopter d'autres protocoles de sécurité solides, notamment en informant les victimes d’abus de surveillance et en s’opposant aux gouvernements lorsqu’ils leur demandent un accès spécial au décryptage.
Consultez ici les recommandations complètes du rapport. Cliquez ici pour lire les versions traduites de ce communiqué de presse en arabe, français, chinois (simplifié), chinois (traditionnel), russe et espagnol.
Freedom on the Net est une étude annuelle portant sur les droits humains dans la sphère numérique. Ce rapport, le quinzième de la série, couvre l'évolution de la situation entre juin 2024 et mai 2025. Le projet évalue désormais la liberté d'internet dans 72 pays, qui représentent 89 % des utilisateurs d'internet dans le monde. Le rapport s’appuie sur une méthodologie standard de 21 indicateurs portant sur les obstacles à l'accès, les limites au contenu et les violations des droits des utilisateurs. Ces indicateurs permettent de déterminer le score de chaque pays en matière de liberté d'internet sur une échelle de 100 points.
Pour programmer un entretien avec les experts de Freedom House, merci de contacter Roza Melkumyan à l'adresse suivante : [email protected].
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